« En Bretagne, entre 15 et 20 % des acquéreurs immobiliers sont franciliens »
Victime de son succès auprès des acquéreurs et mis à mal par une raréfaction des stocks disponibles, le marché de l’immobilier neuf breton est sous pression. Nicolas Verpeaux, le Président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers de Bretagne, nous livre son analyse.
Comment se porte le marché de l'immobilier neuf en Bretagne ?
Nicolas Verpeaux. Il se porte très bien. L’attractivité est là et la demande est forte mais celle-ci ne peut être satisfaite car l’offre est très insuffisante. Cette pénurie des stocks qui dure depuis quelques mois déjà a d’ailleurs été aggravée par l’attentisme pré-électoral des dernières municipales puis par la crise sanitaire, la grande majorité des montages de projets ayant été mis à l’arrêt lors du premier confinement. Aujourd’hui, en Bretagne, le marché immobilier neuf est donc largement sous-offreur. Nous sommes à moins de dix mois de stock…
Diriez-vous du marché immobilier breton qu’il est encore plus tendu dans le neuf qu’il ne l’est dans l’ancien ?
Disons que dans l’ancien, il faut prendre en compte le taux de rotation des logements. Alors que dans le neuf, l’offre peine à se reconstituer parce qu’il faut alors composer avec des délais de fabrication qui ne cessent de s’allonger : complexification des projets, empilement des normes, etc.
« En Bretagne, le marché immobilier neuf est donc largement sous-offreur »
Nicolas Verpeaux, Président de la FPI-Bretagne
Présente-t-il des spécificités ?
L’une des vertus du neuf, c’est qu’il contribue à renouveler, à régénérer - en s’y substituant - un parc immobilier vieillissant, voire parfois vétuste. Mais encore une fois, le « problème » avec les logements neufs, c’est qu’il faut les produire. Une autre spécificité du marché immobilier breton tient à la politique - résolument volontariste - du logement qui est menée dans la région. Il s’agit d’une approche pragmatique qui, tout en donnant un cadre strict au marché, ne ferme pas les yeux sur la nécessité de loger les gens. Pour cette raison, je dirais que, même si la problématique de la régénération de l’offre existe, le marché breton a subi moins d'à-coups que d’autres, comme c’est le cas à Bordeaux ou encore à Lyon, où les collectivités locales ont tendance à freiner la production de logements neufs… En comparaison, le marché breton est certes encadré, tant pour ce qui est de l’aménagement du territoire que de la production de logements mais il est aussi plus constant. Enfin, si Rennes jouit d’une attractivité inégalée, le pouvoir d’attraction de villes moyennes comme Lorient, Brest, Saint-Malo ou encore Vannes ne saurait être sous-estimé. Le dispositif Pinel ne se concentre pas exclusivement autour de Rennes et de Saint-Malo. Il faut donc impérativement qu’il perdure en dehors de ces zones. Cet équilibre des territoires fait partie des particularités du marché de l’immobilier neuf breton et il faut continuer à répartir la pression immobilière entre l’est et l’ouest de la Bretagne en favorisant partout la production de logements.
« La maison individuelle groupée représente de 5 à 10 % de la production »
Nicolas Verpeaux
Comment expliquez-vous l'attractivité grandissante du Grand Ouest et, plus précisément, de la Bretagne ?
À l’image de Rennes dont l’attractivité s’est renforcée suite à la mise en place de grands projets structurants (LGV, deuxième ligne de métro), la Bretagne séduit effectivement de plus en plus d’acquéreurs. L’attrait de la mer et du littoral y est aussi pour beaucoup. Tout comme le climat, dans une certaine mesure mais aussi la cohérence des prix bretons et l’aménagement du territoire. Selon moi, c’est la réunion de tous ces facteurs à un instant t qui contribue à renforcer l’attractivité de notre région.
Le marché de la maison individuelle semble être sorti renforcé de la crise sanitaire. Est-ce encore plus vrai en Bretagne ?
L’engouement dont bénéficie la maison individuelle est quelque peu paradoxal. Leurs acquéreurs potentiels veulent de la tranquillité mais aussi une certaine centralité et la proximité des commodités urbaines. Ils veulent du terrain sans pour autant empiéter sur la nature. C’est un marché qui se nourrit de sentiments contradictoires car tout le monde ne peut - ni ne veut - avoir sa maison individuelle. Enfin, il faut bien voir que la maison individuelle groupée représente de 5 à 10 % de la production de logements dans les programmes neufs. Et pour cause, ceux-ci se situent, la plupart du temps, dans des zones denses. Or, ces zones ne permettent plus la construction de maisons individuelles, en tout cas en grand nombre. Il s’agit alors le plus souvent de compléments de programmes immobiliers. Enfin, je pense que, globalement, les gens sont de moins en moins prêts à s’éloigner des centres urbains pour pouvoir s’offrir une maison, même avec un bout de terrain. Si la demande est forte sur ce type de produits, c’est essentiellement parce que l’offre est rare. Ce phénomène se constate aussi bien sur le marché du neuf que sur celui de la construction.
- En France, le prix au m² dans le neuf enregistre une hausse annuelle de 3,9 % pour atteindre 4 228 €.
- En Bretagne, dans l'immobilier neuf, le prix du m² augmente de 2,4 % sur 1 an pour se porter à 3 122 €.
Source : Baromètre LPI-SeLoger - décembre 2020
En quoi l'immobilier neuf est-il particulièrement à même de répondre aux nouvelles attentes des Français ?
Il est clair que les espaces extérieurs (terrasse, balcon, jardin) sont plus fréquents dans les logements neufs qu’ils ne le sont dans l’ancien. Traditionnellement, les promoteurs immobiliers, en Bretagne comme ailleurs, communiquent énormément sur ces espaces extérieurs dont leurs logements sont dotés et c’est encore plus légitime depuis le confinement. D’autre part, l’immobilier neuf répond également à des problématiques d’économies de charges, de chauffage, notamment car les logements neufs sont plus performants, plus vertueux, moins énergivores et donc plus respectueux de l’environnement que les logements anciens.
La crise sanitaire pourrait-elle pousser les promoteurs à modifier certaines normes (terrasses plus vastes, pièce supplémentaire pour télétravailler) ?
Le confinement va immanquablement impacter la construction des logements. Mais les stocks de logements peinant à se reconstituer, une certaine inertie dans cette adaptation est inévitable. Pour autant, les logements actuels offrent déjà, pour la plupart d’entre eux, de beaux espaces extérieurs. Ce seront donc davantage à des ajustements qu’il sera procédé qu’à de véritables modifications de la production bretonne. Quant aux effets de la crise sanitaire, ils ne pourront se faire ressentir que dans l’offre de demain.
- En moyenne, il faut consacrer 3,1 années de revenus à l'achat de son logement neuf en Bretagne.
- À l'échelle du pays, l'acquisition d'un bien immobilier neuf représente 3,8 années de revenus.
Source : Baromètre LPI-SeLoger
Quel type de bien vos clients recherchent-ils ?
Le cœur du marché breton, ce sont les T2 et les T3. Mais la pluralité des profils de nos clients, qu’ils soient occupants ou investisseurs, fait que notre production est très diversifiée. On se rend toutefois compte que, les cellules familiales tendant à se réduire, les petites superficies, bien qu’elles soient parfois critiquées, correspondent à la réalité et répondent à une réelle attente. Tout comme les maisons individuelles, les grands appartements situés en dernier étage sont une denrée rare. Mais outre des stocks réduits, la problématique tient surtout à l’adéquation de notre offre avec la solvabilité des acheteurs.
Qui sont vos clients (résidence principale, résidence secondaire, investisseurs) ?
Sur les neuf premiers mois de l’année 2020, la répartition des achats entre résidence principale et investissement locatif était de 50/50. En clair, il y a autant d’investisseurs en Bretagne que d’occupants. Bien évidemment, on constate des disparités. À Rennes, par exemple, on monte à plus de 60 % d’investisseurs.
Le disposifif de défiscalisation Pinel est-il populaire en Bretagne ?
Oui. Dans des zones comme Rennes ou encore Saint-Malo, c’est le dispositif Pinel classique qui s’applique. Mais ailleurs, en Bretagne, c’est un dispositif expérimental - et pouvant, dans certaines zones, ouvrir droit au Pinel - qui s’applique.
La Bretagne est un lieu de villégiature très prisé. Est-il avantageux d’y acquérir sa résidence secondaire dans le neuf ?
Sur les marchés côtiers, on observe une part non négligeable de résidences secondaires dans le neuf. De même, beaucoup de clients font le choix d’acheter un logement neuf en Pinel et de le proposer à la location pour, plus tard, l’occuper eux-mêmes. Dans ce cas, l’achat d’une résidence secondaire dans le neuf s’apparente à un investissement patrimonial. C’est une solution qui permet de préparer sa retraite.
« Les ⅔ de la clientèle sont bretons et entre 15 et 20 % des acheteurs sont franciliens »
Nicolas Verpeaux
D'où viennent les acquéreurs ? De Bretagne ou de plus loin ?
Beaucoup de Français s’intéressent désormais à la Bretagne parce que la mise en place de la LGV, qui met Rennes à 1h30 de Paris, favorise considérablement le télétravail. Aujourd’hui, on peut parfaitement habiter en Bretagne et travailler pour une entreprise basée en Île-de-France. Selon nos données, 60 % des acheteurs résident dans le département où le programme est commercialisé. Les ⅔ de la clientèle sont donc bretons et entre 15 et 20 % des acheteurs sont franciliens. La possibilité de télétravailler a clairement fait évoluer les attentes des acheteurs. Pour autant, il n’est pas certain que le raz-de-marée de Parisiens que certains avaient annoncé se produise…
« En Bretagne, le prix au m² est, en moyenne, de 3 850 € pour un logement neuf avec parking »
Nicolas Verpeaux
En moyenne, quels sont les prix - dans l'immobilier neuf - en Bretagne ?
Le prix au m² est, en moyenne, de 3 850 € pour un logement neuf - avec parking - en Bretagne. Mais il ne s'agit là que d’une moyenne et les prix peuvent varier selon l’emplacement du programme et les prestations du bien. En moyenne, dans le neuf, les prix sont légèrement inférieurs à 3 500 € du mètre vers Brest et Lorient. Ils oscillent entre 3 500 et 3 700 € du m² en périphérie de Rennes. Du côté de Vannes, il faut compter de 4 300 à 4 400 € du m² et sur Rennes intra-muros, on peut atteindre, voire dépasser, les 5 000 € du m². Globalement, compte tenu de l’attractivité de ces villes, les prix tendent à être plus élevés vers Rennes, Saint-Malo et Vannes que dans le reste de la Bretagne. Mais à titre de comparaison, le prix de l’immobilier neuf breton reste performant par rapport aux tarifs nantais ou encore lyonnais.
Que peut-on s'offrir - en Bretagne - pour 250 000 € de budget ? Et au-delà ?
Tout dépend de l’endroit où se trouve le logement mais pour 250 000 €, il est possible de s’acheter un T3. À partir de 500 000 € de budget, on arrive sur des produits d’exception, que ce soit par leur emplacement ou par leur configuration au sein de la résidence. Dans ces prix-là, on pourra espérer faire l’acquisition d’un bel appartement avec terrasse en dernier étage, par exemple.
Quelles sont, selon vous, les perspectives d'évolution pour le marché de l'immobilier neuf breton ?
Les fondamentaux sont là. L’attractivité est forte. Les taux d’intérêt restent bas. La production de logements est en train de s’adapter aux nouvelles attentes des acquéreurs. Les prix sont cohérents. Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que le marché breton soit amené à subir de fortes variations dans les prochains mois. Le véritable enjeu, selon moi, c’est de parvenir à produire plus de logements et à remettre à l’offre. De sorte que celle-ci soit davantage en adéquation avec la demande. Enfin, dans un souci de visibilité, je pense qu’il est tout aussi important de maintenir les dispositifs en place, notamment le Pinel.
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)