La crise que traverse le secteur de la construction de logements neufs en France est sans précédent. En 2024, les mises en chantier de logements ont enregistré une baisse historique, ramenant le niveau de production à celui des années 1950. Cette chute drastique, combinée à des difficultés d’accès au crédit et à l’augmentation des coûts de construction, suscite des inquiétudes chez les professionnels du bâtiment et du logement.
Un recul inédit des constructions de logements en 2024
Depuis janvier 2024, le nombre de nouvelles constructions a plongé. Entre janvier et juillet, le secteur a enregistré une chute de 13,4 % des mises en chantier. Ce recul a ramené le nombre de logements neufs lancés à seulement 260 000 unités pour les sept premiers mois de l’année, des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis la fin des années 1950. Ce déclin inquiète non seulement les promoteurs immobiliers mais aussi les professionnels du bâtiment.
Cette chute est également renforcée par une baisse des permis de construire de 9,9 % sur un an, ce qui laisse entrevoir des mois à venir difficiles pour le secteur.
Les causes d’une crise multifactorielle
L’envolée des taux d’intérêt : un frein à l’accès au crédit
L’une des principales raisons de la chute des nouvelles constructions est l’augmentation des taux d’intérêt sur les crédits immobiliers. En l’espace de deux ans, ces taux ont augmenté de trois points, rendant l’emprunt beaucoup plus difficile pour de nombreux ménages. La hausse des taux a ainsi refroidi une demande déjà fragilisée, créant un effet domino dans le secteur de la construction. De nombreuses familles, autrefois prêtes à investir dans un bien neuf, se retrouvent désormais dans l’incapacité de financer leur projet.
La hausse des prix des matériaux, donc du coût de construction
La hausse des prix des matériaux de construction représente un autre frein majeur pour les promoteurs immobiliers. Depuis 2019, les prix ont grimpé de 30 % à 40 %, des chiffres impressionnants que les professionnels du secteur attribuent notamment aux répercussions de la guerre en Ukraine. L’acier, le cuivre et même le béton ont vu leurs coûts augmenter de manière significative, impactant le prix final des logements neufs. Ces hausses de coûts se répercutent inévitablement sur les acheteurs potentiels, qui voient leurs budgets se restreindre et l’accession à la propriété devenir plus complexe.
L’énergie, un facteur additionnel de pression sur les promoteurs
En parallèle, les prix de l’énergie ont aussi connu une augmentation marquée, compliquant davantage la tâche des promoteurs immobiliers. Pour ces derniers, le coût de fonctionnement et de construction s’est envolé, renforçant une situation déjà critique. La hausse des coûts énergétiques s'ajoute ainsi aux autres obstacles qui freinent le développement de nouveaux projets de construction.
Entre janvier et juillet 2024, le secteur de la construction a enregistré une chute de 13,4 % des mises en chantier.
Un marché du logement neuf en déclin et des disparités régionales
Bien que la baisse des ventes de logements neufs soit générale, certaines régions sont particulièrement touchées. En Corse, par exemple, le nombre de ventes de maisons individuelles a chuté de 45,7 % au cours du premier semestre 2024 par rapport à l’année précédente. D’autres régions comme la Normandie et les Hauts-de-France connaissent aussi des baisses de transactions importantes, avec des reculs respectifs de 24,6 % et 22,5 % sur la même période.
À l’inverse, quelques régions font figure d’exception dans ce contexte difficile. Le Grand-Est et les Pays de la Loire affichent une hausse surprenante du nombre de transactions immobilières, avec des augmentations respectives de 20,7 % et 18 %. Ces régions, malgré un marché national en difficulté, parviennent à maintenir un dynamisme relatif grâce à des conditions locales favorables. Cette résilience régionale suscite l’intérêt des investisseurs qui cherchent à comprendre ces dynamiques locales pour identifier les meilleures opportunités.
Les professionnels du secteur appellent à des mesures rapides
Le changement ministériel : un espoir pour le secteur ?
La nomination de Valérie Létard au poste de ministre du Logement est survenue dans un contexte tendu. Succédant à Guillaume Kasbarian, elle hérite d’une crise majeure à résoudre rapidement. Cependant, son arrivée suscite des doutes parmi les professionnels, qui attendent des mesures concrètes et efficaces pour soutenir le secteur. Nombre d’entre eux estiment qu’il est urgent de réformer le cadre réglementaire et de favoriser la construction de logements accessibles, tout en adaptant les exigences environnementales.
Des réformes espérées pour relancer la construction
Face à cette situation, les experts et professionnels du bâtiment s’accordent sur la nécessité de mesures de soutien à court terme et de réformes structurelles à long terme. Parmi les pistes évoquées, la révision de certaines normes environnementales, jugées trop contraignantes, pourrait alléger la pression sur les promoteurs et réduire les coûts de construction.
Par ailleurs, des incitations à l’investissement dans le logement abordable pourraient également encourager la production de nouveaux logements à des prix plus accessibles.
Les logements sociaux, en première ligne de la crise
Le secteur du logement social subit lui aussi les conséquences de cette crise de la construction. La demande de logements sociaux augmente sans cesse, notamment dans les grandes villes où les prix des logements neufs sont de plus en plus élevés. Les bailleurs sociaux, face à cette demande croissante, appellent à une action urgente du gouvernement. Le projet de loi proposé par Guillaume Kasbarian pour faciliter la construction de logements sociaux a laissé un vide et les professionnels espèrent que Valérie Létard saura répondre à ces enjeux avec des solutions concrètes.
Dans ce contexte de crise, le secteur du logement social attend des réformes significatives pour soutenir la production de logements abordables. La flambée des prix, les restrictions de crédit et les contraintes environnementales rendent l’accès au logement social de plus en plus difficile. La Fédération française du bâtiment, par exemple, insiste sur la nécessité de mesures pour alléger les coûts de production et garantir un accès au logement pour tous, y compris les ménages les plus modestes.
En 2023, le prix de vente moyen d’une maison individuelle neuve - hors construction en lotissement - s’est élevé à 216 000 €, contre 198 900 € en 2022 ou encore 174 600 € en 2020.
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